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  • marlenecochet

Partie 2 : initiatives, engagements et témoignages de Barcelona

Jour 67 - 08/03/2020

Journée des droits de la femme...

« [...] nous avons besoin d'une économie plaçant les femmes et la terre au centre. »

Vandana SHIVA

Rencontre avec Martin, un des fondateurs de Can Masdeu, un exemple vivant de collectif utopique auto-géré qui existe depuis 20 ans. Située dans un écrin de verdure à 15 minutes d’une station de métro barcelonaise, la communauté de Can Masdeu se définit elle-même comme un « projet d’anarchie utopique ». François est reçu très gentiment par Martin, un anglais en kilt, l’un des trois fondateurs restants. C’est dimanche, l’atmosphère est tranquille, il fait beau. Il partage un thé avec d’autres visiteurs espagnols et catalans sur la petite terrasse de la maison bioclimatique de Martin. La vue sur les bois est magnifique avec Barcelone au loin et encore plus loin, la mer. On parle anglais, espagnol, catalan. Martin présente sa communauté. Vidéo ici !

Can Masdeu est une ancienne léproserie appartenant à l’hôpital public de San Paolo. Quand la lèpre fut circonscrite, elle fut abandonnée pendant 53 ans. En 2002, il y a 18 ans, elle fut occupée par un groupe de jeunes anarchistes. Il s’en suivit une lutte acharnée de 3 jours avec la police et un procès qui fut gagné par les squatteurs au bout de trois ans. Située dans un parc naturel protégé, bénéficiant maintenant du soutien d’un vaste réseau incluant les voisins et la mairie progressiste de Barcelone (dirigée par l’ex indignée Ada Colau, fondatrice et porte-parole de la Plateforme des victimes du crédit hypothécaire), la Communauté est maintenant bien installée. Elle compte 22 adultes et 6 enfants qui fréquentent l’école publique.

Pour 80 € par mois, les heureux habitants de Can Masdeu ont chacun un logement individuel. Ceci couvre les besoins en eau (captée à une source), l’électricité et deux repas par jour, cuisinés à tour de rôle. Certains, comme Martin, se sont construits de petites maisons. Un gros chauffe-eau solaire les dessert toutes. Les achats collectifs sont discutés et mutualisés ce qui permet de diviser les coûts induits. L’électroménager de base (machines à laver, cuisinières, frigidaires) est de qualité professionnelle pour pouvoir remplacer les éléments défectueux.


Les espaces collectifs sont partagés. On y trouve des espaces privés avec cuisines, salons, vergers, jardins, une salle de yoga et un atelier très bien équipé pour les vélos. Il y a aussi des espaces ouverts au public avec un centre social comprenant un bar, un grand salon et une terrasse que François avait trouvé plein à sa première visite en septembre 2019 lors d’une journée consacrée à la Palestine. Les week-ends les promeneurs et les familles en randonnée peuvent y boire un verre au soleil.

Une fois par an, des groupes de travail sont définis afin d’assurer la cohérence du lieu. On y définit les tâches, les responsables et les équipes. Ce peut être la gestion des vergers, de l’infrastructure, de l’éducation à l’environnement, les achats collectifs, les communications interne et externe. En plus de ces tâches, chacun.e donne 6h par mois à l’entretien du lieu, le nettoyage, le rangement etc.


Le centre social est très actif même si certains membres de la communauté voudraient en réduire l’action ce qui a donné lieu récemment à des divergences, des tensions et un questionnement sur les valeurs portées par le lieu. Les actions du centre sont proposées à cette adresse. Le centre social génère des revenus qui sont insufflés dans Can Masdeu permettant à ses habitants de vivre sur place à peu de frais. Il propose des activités très diverses, des ateliers, (mécanique, développement personnel, engagements politiques) des conférences, des journées à thème. Les écoles sont accueillies notamment dans le cadre de l’éducation à l’environnement. Des financements européens et locaux assurent le fonctionnement. Tous les ans, deux grandes fêtes réunissent les sympathisants et génèrent d’autres revenus.


Une majorité des habitants ont un travail à l’extérieur de la communauté, ce qui n’était pas le cas aux débuts de Can Masdeu et engendre maintenant une dynamique très différente des objectifs initiaux.

Martin produit une excellente bière quasiment 100% locale qui est consommée par les visiteurs du centre social. Il fait visiter ensuite la communauté et François raconte : « je suis impressionné par la beauté du lieu, un peu anarchique, forcément, mais riche de créativité. Le salon du centre social est accueillant avec une vaste bibliothèque, des canapés confortables et de grandes fresques faites de photomontages illustrant les luttes des indignés ou du Chiapas mexicain. Des chambres ont été crées dans la vaste bâtisse centrale en ouvrant des fenêtres. Les nids des hirondelles dans l’ancienne chapelle sont respectés, on a juste posé des petites planches pour ramasser leurs excréments. Des toilettes sèches sont disposées un peu partout dans les jardins.


Je rentre à Barcelone par un petit chemin secret traversant les bois en souhaitant longue vie à cette belle utopie concrète et à ses habitants, pionniers d’une vie urbaine tribale où les valeurs humaines restent centrales. »

En fin de journée nous assistons à une conférence de Pilar MARINE JOVE sur le thème: Spiritualité, féminité et affectivité. Elle est psychologue et a accompagné pendant 20 ans des mourants et des SDF. Elle a raconté à François « que son cœur torturé par ces accompagnements a fini par s'ouvrir et l'amour s'est engouffré dans la brèche. Un amour immense qui l'a relié au cosmos, aux étoiles et à l'autre. » Elle a donné une conférence sur le lien entre la psychologie et son aboutissement naturel, selon elle, la spiritualité. Et cela dans la crypte de l'Eglise Santa Maria del Mar construite par les pêcheurs pauvres de Barcelone au 14ème siècle en amenant les pierres une par une de la montagne. Aujourd'hui Pilar continue ses accompagnements dans un hôpital le matin et travaille dans un Institut de recherche sur le lien entre psychologie et spiritualité.

Jour 68 - 09/03/2020

VISITE DU QUARTIER DU RAVAL, qui concentre 39 nationalités différentes, avec Alberto PEREZ DIEZ qui a vécu 20 ans dans la jungle amazonienne comme missionnaire. Il a raconté à François « que les 20 tribus locales l'ont converti lui permettant d'accéder à une relation fusionnelle avec la nature, le soleil, les arbres... ». Il travaille avec les populations gitanes, les migrants, les SDF. Il a encouragé l'ouverture d'une église locale, l'église Santa Ana, aux SDF suivant en cela la proposition du Pape François. Le Pape disait qu'il faut accueillir les gens de la rue et une église à Madrid s'est ouverte aux SDF ce qui a donné l'idée à Alberto. Une statue se trouve devant l'église de Barcelone, c'est le Christ qui y est représenté en mendiant. L'église nourrit les SDF, il y a l'eau, des toilettes, un suivi social avec des psychologues et des éducateurs. Au début, des sans-abris pouvaient y dormir car ils sont nombreux à refuser les hébergements en ville. Suite à de nombreuses violences impossible à cadrer, ils ont été obligés d'arrêter.

En continuant la visite, le groupe a rendu visite à un squat dans un immeuble où vivent 35 migrants qui demandent juste le droit d'exister, de se loger et de travailler dignement. Les conditions sont précaires mais cela leur procure une stabilité. Puis à Topmanta qui se bat pour leurs droits en étant à la fois une boutique et un syndicat de vendeurs ambulants (manteros).

Légende : photo 2 - église Santa Ana ; photo 3 - Christ en mendiant devant l'église ; photo 4 - ancien orphelinat avec vestige de trous pour laisser nouveau-né et argent.

Rencontre avec Nuria VILA qui travaille pour la fondation CEPAIM, un consortium d'entités, créé en 1994 pour agir auprès des migrants. Présentation tirée du site : « La fondation CEPAIM est une organisation sociale qui place au centre de toutes ses actions les personnes les plus vulnérables de notre société et parmi elles les immigrés. De véritables changements sont effectués par de petites personnes, dans de petits endroits, faisant de petites choses. Vous apprendrez que les personnes les plus vulnérables de notre société, y compris les migrants et les réfugiés, peuvent devenir, non pas le "problème", mais la clé de la régénération sociale, politique, éthique, mais aussi économique de la société. »


A Barcelone, la fondation s'est ouverte en 2006. Elle a pris beaucoup d'ampleur et aujourd'hui des logements peuvent être proposés aux migrants et aux réfugiés. «Lorsqu'ils arrivent par la mer, dans la majeure partie des cas ils sont interceptés par la police, ils vont devant le juge et sont envoyés dans des centres de rétention. Ils sont donc considérés comme illégaux et ont 60 jours avant d'être expulsés. Comme ils sont beaucoup et il n'y a plus assez de place dans ces centres, c'est pourquoi ils sont pris en charge par des associations. Nous, chaque semaine nous devons dire combien ils nous restent de place dans nos logements. Et quand ils arrivent, le programme les prend en charge pendant trois mois maximum. Les gens ont beaucoup souffert, ils ne savent pas ce qu'ils vont faire donc et ici ils peuvent être tranquille, dormir, manger, voir des médecins... Notre rôle est aussi de leur montrer la réalité, qu'ici ce n'est pas le paradis. »

Nuria nous raconte... « Beaucoup de sénégalais sont manteros et ne s'intègrent pas. C'est une vie de fuite et d'exclusion. Pourtant à la tête de la fondation il y a des africains ce qui montre qu'ils peuvent s'intégrer et s'engager pour cette cause. [...] Un des plus gros problème est le racisme des arabes envers les noirs qui ont été beaucoup exploités lors de la traversée du Maghreb. Mais ici ils sont tous ensemble, dans la même situation et ils doivent se soutenir. Même en allant au Mali il y a de l'exploitation et les africains disent "le premier qui prend notre argent c'est notre frère".

Il y a aussi beaucoup de pakistanais et de chinois mais ce n'est pas la même situation car ils ont un réseau d'entraide, une communauté. Une fois l'un arrivé, il fait venir sa famille alors que beaucoup d'africains envoient seulement de l'argent. »

« Concernant les manteros, la police dit qu'il y a un réseau de mafias mais c'est faux. Beaucoup de vendeurs ont un système d'argent commun et quelqu'un achète pour tout le monde. A Barcelone par exemple il y a un quartier où il y a tout et ils achètent en gros. Un nouveau migrant qui arrive trouve toujours quelqu’un qui lui prête de l'argent et lui montre comment faire. C'est donc plus de la solidarité qu'un grand réseau. [...] Le mieux est d'avoir plein de chose car les gens peuvent choisir et sont plus attirer mais si la police les attrapent ils perdent tout. »

Visite de la Sagrada Familia pour certains (texte de Louis sur sa rencontre avec un ancien architecte de la basilique).


Projection de La marche des gueux en espagnol devant une salle pleine au centre Gandhi de Barcelona. Pepe, un objecteur de conscience (car il a refusé de faire l'armée), a connu Louis à l'Arche il y a 40 ans. Il a fait trois ans de prison à l'époque pour son choix et nous a livré son témoignage.

Jour 69 - 10/03/2020

Retour à Carcassonne ! Bientôt sur le blog : un article sur les témoignages des migrants rencontrés sur notre chemin et un article pour rendre compte de la marche JajJagat partie d'Inde en octobre 2019 et que nous devrons rejoindre à Genève en octobre 2020.


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