Jour 49 – 19/02/2020
La veille nous étions chaleureusement accueillis par les résidents des Chiffonniers d'Emmaüs de Murcia. Le lendemain... Paco López nous rappelle l’historique de la création des Emmaüs qui ont été fondés par l’abbé Pierre en France en 1954. Il était très concerné par la souffrance des gens. Après la seconde guerre mondiale la population avait une vie lamentable et beaucoup étaient à la rue. L’abbé Pierre avait une grande maison pour accueillir ces personnes et c’est là qu’est né le nom d’Emmaüs en référence à un passage dans la bible : après la crucifixion de Jésus, les gens vont se réfugier au village Emmaüs. En chemin, ils rencontrent quelqu’un qui les accompagne et parle comme Jésus. Ils pensent que celui-ci est ressuscité et retrouvent espoir en la vie.
Muy cálida bienvenida por los residentes de Emmaus de Murcia. Paco Lopez nos recuerda la creación de Emmaus en Francia en 1954. Ahora hay 350 grupos en todo el mundo.
Quelqu’un avait raconté à l’abbé Pierre qu’avant il allait dans les décharges et mangeait en tirant de l’argent des objets trouvés. Avant, ceux d’Emmaüs portaient le nom de bâtisseurs et on les a appelés chiffonniers quand ils ont commencé à récupérer ces objets trouvés.
Puis beaucoup d’Emmaüs se sont ouverts en France et presque dans tous les continents. Il existe 350 groupes Emmaüs dans le monde. Chacun est indépendant économiquement et sur la manière de travailler mais tous ont en commun les valeurs, les principes et le travail qui est de récupérer les objets, de les recycler et de leur donner une nouvelle vie.
Cette année est le 25 ème anniversaire des chiffonniers d’Emmaüs de Murcia.
Paco nous raconte comment tout a commencé. En 1995 il travaillait dans le social avec des populations gitanes. Il était très frustré et a pris la décision de ne plus jamais travailler dans le social. Puis il a reçu plusieurs appels de personnes qui lui proposaient du travail dans le social. Il ne voulait toujours pas et s’est dit qu’il allait faire se rencontrer ces personnes en leur disant « je donnerai juste un coup de main ». Les réunions ont été fréquente et il les a animés. « J’ai fini par poser deux conditions : ce sera un projet comme Emmaüs sans propriété personnel mais seulement du collectif. Je voulais aussi que les gens entrent avec les mains vides et le cœur plain et qu’ils s’en aillent pareil. »
Ils ont acheté le premier camion et l’abbé Pierre a entendu parler d’eux. Ils ont commencé à travailler et en 2000 ils ont cherché un lieu plus grand avec une maison pour recevoir et partager. La veille du premier essai d’achat, les voisins sont allés à la Mairie car ils ne voulaient pas que s’installent des « gens mauvais » à côté d’eux. Ils ont ensuite trouvé cette ancienne ferme et ils viennent juste de finir de la payer, 20 ans après.
Aujourd’hui les partenaires du départ sont partis « avec les mains vides et le cœur… je ne sais pas. Et moi je suis là avec les mains vides mais le cœur qui ne l’est certainement pas. »
Ce sont 60 personnes qui travaillent ici dont 50 avec un contrat de travail. Le reste sont des volontaires. Il y a des travailleurs sociaux, des thérapeutes, ceux qui gèrent l’administratif… et tout se fait toujours dans l’idée d’une organisation horizontale du travail.
Ils ont construit cet endroit de leurs propres mains avec différents espaces : ateliers ; arène ; bureaux ; maison avec salon, cuisine et 20 chambres individuels. Les différents ateliers servent à : la séparation des éléments, la menuiserie, la gestion de l’électronique, ce qui ne peut être réutilisés, la réparation, la construction de nouveaux objets… L’arène est un grand espace où avaient lieu des combats de chiens. « Nous avons eu envie de transformer cette énergie en autre chose : en un espace de fête et de réflexion. Nous faisons des réunions pour parler seulement du positif et se féliciter les uns les autres pour les réussites du mois. » Il y a aussi 5 camions qui reviennent remplis 4 jours par semaine (dont un seulement de papier).
« Emmaüs est un engagement politique avec l’objectif d’un monde plus juste. C’est un travail individuel et collectif basé sur les principes des droits de l’Homme. »
Paco nous rappelle à plusieurs moments que si ce qui est ici n’était pas réutilisé ça irait dans une décharge. Cela générerait de la pollution et ne créerait pas d’emplois. Ici le travail de recyclage fait travailler 50 personnes alors qu’en enterrant les déchets, seulement 12 personnes travailleraient. A Pampelune, ils sont 160 à travailler.
« Aujourd’hui l’Europe demande d’être très attentif et de tout recycler. C’est ce que nous faisions déjà avant. Nous faisons ce que la loi demande de faire mais que peu d’entreprises font. Maintenant recycler est à la mode mais nous pensons que ce n’est pas la solution. Il faut moins consommer. Encore faut-il que nous soyons la solution. »
« Des choses ne se recyclent pas car il y a des vrais critères à respecter. On les prépare et les envoie dans un centre (exemple : anciennes télévisions, certains frigos et éclairages…). Plus personnes en Europe ne veut traiter les déchets informatiques. Nous les revendons en pièce détachées. Il y a par exemple des puces avec de l’or. Ce n’est pas l’argent qui nous intéresse mais les emplois générés. »
Paco nos cuenta cómo empezó todo. Este lugar era una antigua granja. Aquí trabajan 60 personas, 50 de las cuales tienen un contrato de trabajo. El resto son voluntarios. Hay trabajadores sociales, terapeutas, quienes administran la administración ... y todo se hace siempre con la idea de una organización horizontal del trabajo. " Emmaus es un compromiso político con el objetivo de un mundo más justo. Es un trabajo individual y colectivo basado en los principios de los derechos humanos. "
« Le textile est le plus gros problème du monde et la manière de le produire est un exemple d’esclavage. Ces vêtements sont de mauvaise qualité et de courte durée. Les résidus textiles sont très forts. Le marché du textile est complètement saturé. Après les pays d’Europe, le tissu va en Afrique et dans les pays de l’Est. Ça aussi ça a des conséquences négatives. On envoie nos ordures dans des pays poubelles qui n’ont rien demandé et on détruit pour eux la possibilité de créer leur propre tissu avec des matériaux locaux, ce qui conduit à une uniformisation. Et dans ce chemin poubelle, beaucoup s’enrichissent dont des ONG qui récupèrent les vêtements dits solidaires et les revendent d’une manière commerciale. Nous n’avons jamais voulu entrer dans ce marché, ici on ne récupère des sacs de vêtements que lorsque nous vidons des maisons pour prendre des meubles etc. Soit on les revend soit on en fait des tissus de nettoyage.
Il y a un réel problème de production mais aussi de consommation à revoir. »
Paco nous a offert sa vision d’une vraie vie en communauté. Ils ont plusieurs plans d’actions qui permettent le développement personnel des nouveaux arrivants chez les chiffonniers d’Emmaüs. Tous ont la possibilité d’avoir un accompagnement émotionnel avec un professionnel. Il nous explique un des plans d’actions qui est celui des besoins : basique (nourriture, eau…), sociaux (santé, éducation…), psychologique (sentir qu’on fait partie de quelque chose), culturel (pensée propre, racines…).
« Nous apprenons à aimer en évitant la souffrance. […] Nous défendons des valeurs humanistes et en cohérence avec les principes de l’économie sociale. […] Il est important d’avoir une bonne vie c’est-à-dire que les gens soient heureux et se sentent aimés pour avoir ensuite la capacité d’aimer en retour.
« Les gens de la rue sont exclus mais ils ont aussi ces besoins. Souvent avec l’expulsion on se dit qu’ils ont besoins de quelques attentions comme la nourriture et que ça suffit, mais non. »
Les chiffonniers d’Emmaüs arrivent ici par le biais des services sociaux ou de personnes qui connaissent Paco et demandent de l’aide pour leur proche. Comme ils ont 5 camions qui vont quatre jours par semaine à Murcia, les travailleurs peuvent voir leurs anciens compagnons de la rue et leur parler d’Emmaüs.
« Les conditions pour rentrer sont :
- d’avoir au minimum une toute petite volonté de changer. C’est tellement petit que des fois ça n’existe pas et c’est notre rôle de faire prendre conscience de ce besoin ;
- nous accompagnons pour la vie et non la mort donc les drogues et l’alcool sont interdits. Nous pouvons les aider avec des professionnels, des médicaments… ;
- même si un compagnon n’est pas agréable et qu’il y a des conflits, on résout toujours en parlant et non pas à travers la violence verbale, physique ou émotionnel ;
- tout ce qui est ici est à tout le monde ou à quelqu’un. Il est interdit de prendre quelque chose au collectif ou à une personne.
Si ces 4 règles sont respectées nous avons de l’espace et de l’argent pour accueillir. Si un point n’est pas respecté on travaille dessus, non pas comme un motif d’expulsion mais comme un motif de changement. S’il recommence encore on l’invite à réfléchir si c’est le bon endroit où s’il ne devrait pas aller ailleurs. Ce n’est pas tant parce que ce qu’il a fait est mal mais surtout parce que nous sommes incapables de l’aider. Nous veillons bien à ce qu’il ne reparte pas avec la culpabilité car c’est aussi de notre part car nous n’avons pas réussi à l’aider. »
« Les chiffonniers c’est un processus de vie. Certains reste un, deux ou trois mois, d’autres restent toute la vie. C’est leur famille. »
« Los traperos es un proceso de vida. Algunos permanecen uno, dos o tres meses, otros permanecen toda la vida. Es una familia. »
La priorité c’est les femmes mais il est difficile d’en avoir, elles sont en minorité. Ils se sont demandés pourquoi elles ne venaient pas et pour réponse ils se disent qu’elles sont plus auto-suffisantes et cherchent plus l’indépendance. Elles vont chercher un homme ou un organisme qui va les protéger.
Pour les jeunes, ils sont dans les centres d’accueil de mineurs et à 18 ans ils se retrouvent à la rue et viennent à Emmaüs. Certains restent, d’autres partent. Pour eux, avec la localisation du lieu qui est à une vingtaine de kms de Murcia ce n’est pas la meilleure solution car ils ont un besoin de formation et de sociabilisation.
Jour 50 – 20/02/2020
Rencontre avec Alfonso FERNANDEZ JIMENEZ dans son musée à Bullas (retour de Louis ici). Visite de la ferme de l’association de consommateurs et producteurs BioSegura de Paco et Heidi MUNOZ. Visita de la huerta de la asociación de consumidores y productores BioSegura de Paco y Heidi MUNOZ.
Ils disposent d’une banque de semences impressionnante avec environ 1000 sortes de graines différentes. « Ce sont des semences de pollinisation libre. Nous ne prenons pas d’hybrides. Elles peuvent se reproduire naturellement. » Ces graines viennent d’Espagne mais aussi du monde entier quand des amis leur en ramènent de voyages en Afrique, Amérique du Sud… « Les agriculteurs qui viennent ici deviennent dingues, ils repartent avec des semences mais reviennent toujours avec d’autres. » Certaines peuvent tenir 20 ans mais pour la vente ils favorisent celles qui ont 3-4 ans.
L’étape suivante est de faire grandir les semences dans une petite serre. Il y a par exemple des plantes « anti-cancer » ou la « plante gelée » qui pousse sur le sable et est très concentrée en sel.
Puis nous visitons le verger qui est en permaculture depuis 10 ans, il fait environ 300 m² mais produit beaucoup. Il est protégé par des haies qui ont 15 ans et qui sont un refuge et une zone d’alimentation pour les insectes. Les haies attirent aussi les oiseaux qui mangent les vers détériorant les choux.
La ferme fonctionne sur un système d’AMAP avec une vente directe consommateurs - producteurs. Ils écoulent 90% de leur production et vendent 100 paniers par semaine. Les voisins voient tout ce que Paco et Heidi produisent sur si peu d’espace, ça les inspire à s’orienter vers la permaculture.
Hay un banco con 1000 diferentes tipos de semillas. El siguiente paso es cultivarlos en un pequeño invernadero. Visitamos el huerto que ha estado en permacultura durante 10 años, tiene alrededor de 300 m² pero produce mucho. La huerta opera en venta directa consumidores - productores y venden el 90% de su producción.
En soirée nous nous rendons au centre du village de Bullas et projetons le film Sarvodaya Shramadana : vers une économie non-violente puis Ibrahima FAINKE joue "Citoyen du monde" à la librairie En las nubes.
Pendant ce temps, Celina Peña est à Valencia pour parler des actions de la Caravane et des alternatives rencontrées à des jeunes du secondaires.
Jour 51 – 21/02/2020
Visite de l’entreprise biologique de José Marin Zamora, notre référent-organisateur à Murcia. Solyeco est une entreprise familiale où travaillent Alicia, la femme de José, sa sœur et leurs deux enfants.
Ils élaborent des produits d’entretien, de pharmacie et des cosmétiques. La vente se fait dans les magasins biologiques, les pharmacies, les magasins diététiques, les associations de consommateurs et directement auprès des consommateurs.
Le soir nous sommes accueillis au café culturel Los Pajaros Ateneo Huertano pour une soirée de clôture de notre séjour à Murcia : scène ouverte pour les artistes locaux et pour ceux de la Caravane. Le café est situé à côté du jardin agro-écologique El Verdecillo qui propose différentes parcelles à louer.
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