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  • marlenecochet

Faire revivre la terre à Rabat

Jour 34 - 04/02/2020

Journée de repos et de préparation pour les étapes suivantes. Nous profitons du dernier coucher de soleil à Aftas qui inspire Louis.

Arrogance et équilibre

Salie, humiliée, dénaturée, la Terre, sans cesse, recherche son équilibre, c'est sa nature. L'océan immense, abrite un continent de plastique et de poubelles dans des zones lointaines. Réchauffé, il crée les tempêtes et ouragans, les inondations, abreuve des terres stérilisées d'engrais et saloperies chimiques. La biomasse est partie, l'humus aussi. Il faudra la lave des volcans pour recouvrir les déserts de terres neuves et fertiles. 

Équilibre ! Auteur de ce désastre, l'homme debout face à l'océan, lui jette un ordre du haut de sa stature ridicule : Couché ! Arrogance !

Par Louis Campana, président de Gandhi International

Jour 35 - 05/02/2020 Mirleft > Safi - 425 kms
Jour 36 - 06/02/2020 Safi > Rabat - 350 kms

Nous passons une journée à Safi pour ne pas faire trop de route en une seule fois. Là-bas nous allons rencontrer les potiers qui travaillent encore de manière traditionnelle. A l'inverse de l'argan qui est un "travail de femmes", ici seuls les hommes sont potiers. Nous pouvons en voir un travailler avec le corps à moitié sous la terre pour activer le mécanisme. On nous explique « il faut environ 20 ans pour se former et travailler. »

Jour 37 – 07/02/2020

Les jardins de Zineb – ville de Salé, commune rurale de Shoul, quartier Ouled Jabir.


Rencontre riche et passionnante avec Zineb BENRAHMOUNE IDRISSI qui, en 1998, a créé sur deux hectares « Les jardins de Zineb » à 30 km de Rabat.

Petite, Zineb a passé son enfance dans la nature. Elle rêvait d’un monde harmonieux entre l’animal, le végétal et l’humain. Après différentes études en médecine, en agronomie elle s’orientait toujours sans le savoir vers ce rêve d’enfant avec les médecines alternatives, la biologie, l’agroforesterie…


« Ce terrain c’est la terre qui m’a appelée il y a 22 ans. »


Zineb est enseignante chercheuse, elle a travaillé dans des cabinets d’études, fait du bénévolat auprès des populations marginalisées… Elle a un déclic quand elle rencontre Pierre Rabhi et lit un de ses livres qui la réconcilie avec l’agriculture, l’écologie, l’agroécologie…

L’été 1998 elle nous raconte que lors d’une promenade en famille : « Cette terre m’a appelée. Dans ma tête je voulais mettre en place une forêt. Ici, j’ai vu qu’il y avait des joncs donc de l’eau et j’ai su que c’était ici. »

« Au départ c’était une terre nue avec absolument rien. Ici l’histoire des régions est très importante. C’est une terre qui a connu une guerre tellement forte entre berbères et arabes que personne ne s’est posé sur la terre. Il n’y avait pas de village et donc pas de culture. Quand est venu le protectorat, la guerre s’est arrêtée car l’armée était plus forte que ces deux tribus. Les gens qui fuyaient la famine et la sécheresse du Sud sont venus en nomade ici. Ils ont commencé à planter des vignes, à pratiquer l’élevage, la céréaliculture. Tout ça a dégradé la terre. »

Ici c’est un micro climat semi-aride avec moins de précipitations qu’au bord de l’océan. Il fait donc plus chaud l’été et plus froid l’hiver. Nous avons 350 ml d’eau par an et il peut faire jusqu’à 45° en été. Il fallait donc prendre toutes ces conditions en compte en plus de la pauvreté du sol. « On ne pouvait pas faire revivre cette terre, surtout en pente, sans arbres. »


Elle a donc commencé par reboiser avec des oliviers et pratiquer la permaculture à la fois avec la terre et avec l’humain (partage, science, amour, passion, chacun à son rôle à jouer…). « C’est un véritable laboratoire vivant ici. Il n’y a pas un jour où je n’apprends pas. »


C’est en travaillant cette terre que son rêve d’enfant est revenu. « Tout ce que je pouvais faire c’était mettre en place mes connaissances en écologie et en botanique. Je disais à tout le monde ‘’utilisons les espèces sauvages autochtones’’. Mais je ne l’avais jamais expérimenté. »

Au départ, des économistes disaient « toi tu peux te le permettre tu es enseignante chercheuse mais un petit agriculteur ne peut pas. » Autour les locaux regardaient cette femme qui voulait faire revivre ce sol érodé, très pauvre voir mort, piétiné par le bétail. Alors ce projet a aussi été un défi, cela lui a donné encore plus envie de se battre. « Des hommes venaient me dire quoi faire et je me faisais toute petite car je suis quand même une femme, novice et de la ville. Je n’avais pas mis de clôture et quand je partais le bétail venait piétiner. J’ai montré que j’étais capable d’être autoritaire : j’ai mis une clôture et j’ai commencé à planter. Et là ils m’ont respectée. »

Peu à peu des personnes sont venues l’aider comme Moustafa, un berger de 17 ans plein d’initiatives qui n’avait été à l’école que trois ans et était presque analphabète. Pendant longtemps ils n’ont été que 3.

Au début elle donnait tout et ne vivait qu’avec son salaire d’enseignante qu’elle partageait avec Moustafa. Après elle s’est dit « il faut que j’aie des apports donc j’ai commencé avec un panier, les gens rigolaient. Puis j’ai multiplié les activités comme la table d’hôte, les formations… La permaculture c’est aussi la transformation des produits (lactofermentés, sauces…). C’est une valeur ajoutée. Aujourd’hui nous faisons 33 paniers. Petit à petit j’ai accepté qu’il fallait renouer avec l’argent et les portes se sont ouvertes. »

Zineb a une vraie connexion avec la nature, elle travaille au ressenti, avec les énergies. Elle ressent que des arbres n’aiment pas qu’on passe à côté, qu’on s’assoit à leur pied… « Avec le temps j’ai compris qu’il y a un monde intérieur et un monde extérieur. D’abord il faut faire un travail avec soi-même. Si on ne va pas bien ou s’il y a une bagarre par exemple cela se ressent sur la terre et le jardin est moins beau. » Elle aborde aussi la notion de reliance « chacun apporte sa propre harmonie et on aboutit à quelque chose de très beau. ».

Aujourd’hui c’est 12 personnes qui travaillent directement au jardin et beaucoup d’autres y travaillent indirectement. Plusieurs familles rurales et urbaines qui profitent de la production et des différentes activités.

Avec le changement de climat elle voit que les oliviers ne supportent pas. Ils ont beaucoup souffert et l’équipe a laissé les olives aux oiseaux. Elle a donc fait un travail de paillage, de fumier de compost. « On fait aussi des fosses éponges : un trou avec le compost et quand il y a de l’eau ça la garde et les racines des oliviers peuvent puiser dedans. »

Avant les jardins ne disposaient que de puits traditionnels alimentés par les eaux pluviales. Maintenant l’équipe dispose de réservoirs qui peuvent contenir jusqu’à 12 m². A cette période elle peut avoir cette quantité tous les jours mais en été seulement 6 m². Auparavant, dans le bas du jardin il y avait une zone humide mais pas de récupération d’eau. Zineb a fait une vingtaine de « barrages de castors » et pour récupérer toute cette eau.


De nombreux légumes, fruits, arbres, plantes médicinales et aromatiques poussent en harmonie aux Jardins de Zineb. Les deux hectares se composent de différentes parties : plantes de type hémisphère nord et hémisphère sud, espaces entretenus et espaces où la nature se développe seule, naturellement… Son jardin est un exemple, une preuve qu’il est possible de faire revivre une terre qui a longtemps souffert.


Le soir nous projetons le film " Sarvodaya Shramadana : vers une économie non-violente" à l’école de commerce HEM. Synopsis :

L’ultralibéralisme promettait richesses et bien-être pour tous mais il génère crises, chômage et inégalités croissantes. Le fait économique est devenu déterminant pour le futur de la planète et de ses habitants.  Le modèle capitaliste et son corollaire, la croissance sont-ils les seuls viables ? Une économie respectueuse de l’homme et de la nature est-elle possible ?

Dans la lignée de Gandhi et de sa république villageoise le réseau SARVODAYA SHRAMADANA donne depuis 50 ans à 6 millions de Sri Lankais, soit 1/3 de la population, l’opportunité de prendre leur destin en main.

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